dimanche 21 novembre 2010

8° neuvaine littéraire, mardi 9 novembre 2010

Nos « loa » (saints) et « guédé » (génies de la mort) nationaux

En Europe, nous ne nous préoccupons pas du génie de nos morts. Nous pensons que nos défunts quittent notre monde et nous ne gardons d'eux que le souvenir. Nous héritons de leur responsabilité, et si parfois nous fantasmons en raison du traumatisme dû à la disparition d'un être cher, son génie est si personnelet si peu partagé, que cela ne suffit pas pour qu'il devienne un « loa » ou un « guédé » pour les autres.
Néanmoins il existe des chapelles de spirites pour communiquer avec les esprits des défunts. Ces habitudes rejoignent le vaudou, qui en plus est tout imprégnée de la sorcellerie française du XVII° siècle.
Mais le spiritisme ne joue pas un très grand rôle dans notre vie publique, comme le vaudou en Haïti.
Autour des monuments aux morts, sur les places publiques et parfois dans les cimetières, à des dates précises dans l'année, les autorités constituées célèbrent le souvenir des disparus pour la Patrie. Ces derniers sont les « loa » de nos institutions nationales, ils ont fait nos nations et ce qu'elles sont devenues. La cérémonie du 11 novembre se perpétue bien que tous les anciens combattants de 14-18 aient disparus. Cette célébration est d'autant plus importante que nous fêtons aussi l'armistice de toutes les guerres. L'hiver est proche avec sa morte saison, le mois opportun, la date magique, c'est neuf jours après la fête des morts du 2 novembre, la fin d'une neuvaine si fondamentale pour les Petit-bon-anges et Gros-bon-anges des défunts abandonnés, anonymes et sans famille que nous aurions négligés ou oubliés le jour de leur décès.
Sans le savoir, nous gagnons la protection et la bonne volonté de tous les génies des disparus en nous laissant épingler à la boutonnière un Bleuet de France. Ils nous sont acquis, même si nous les oublions en nous mettant à table ou en nous promenant toute la journée sur les routes. Les Africains ne font pas autrement pourles relevailles d'un défunt, ils dansent, rient, et mangent beaucoup en son honneur pour lui faire oublier son absence physique dans la mort.
Nos hommes célèbres, comme les grands initiés du vaudou, deviennent des « loa » immortalisés par leurs œuvres. C'est le cas des écrivains, des artistes, des religieux, des martyrs et des prophètes, entre autres, des idéologues révolutionnaires.
Malheureusement ils donnent aussi des « guède » avec une personnalité différente et parfois opposée à celle qu’ils avaient de leurs vivants. Bien souvent leurs « guédé » appliquent à la lettre les spéculations philosophiques et parfois hasardeuses des défunts sans aucun esprit critique, malgré les revers pervers évidents qui peuvent naître.
Les « guède » les plus remarquables sont ceux du Christ, de Mohamed et de Karl Marx. 
Le « guédé  » du Christ, « Baron Samedi » nous le devons à l’empereur Constantin. Puis il est devenu orthodoxe, catholique, protestant.., cultivant chez le chrétien un mea-culpa, un complexe de la responsabilité de la mort du Christ.
Le « guède » de Karl Marx a été léniniste, stalinien, et maoïste. Il est courant de dire que si Marx avait vu ce que l'on avait fait avec ses théories, il aurait apporté quelques nuances pour éviter les effets pervers.
Le génie de Mohamed semble aussi avoir été modifié avec les générations. Dans la première société musulmane, la femme avait l'espoir d'avoir un rôle politique, comme ce fut le cas de Fatima. Contrairement au christianisme, faute d'un complexe quelconque, on accuse communément la société musulmane d'être bloquée. Elle ne se remet jamais en question. Elle n'a pas ce ressort de la controverse, du doute, de la critique, du mea-culpa, qui fait la force des sociétés chrétiennes et parfois leur faiblesse.

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