mardi 10 novembre 2009

Chapitre I : Mois de novembre, mois des morts, Allo oui ! Halloween !

Vitrolles le 31 octobre 1998
Le mois de novembre commence le 31 octobre quand les frénétiques génies des morts sans génie se précipitent pour être là avant les grands saints de la Toussaint. Ce sont les squelettes, les diables et les sorcières qui se bousculent à nos portes.
C’est les Allô, Oui, des « Tout de suite ».
Les génies d’Halloween veulent devancer les saints et nos défunts.
La Toussaint, prise en sandwich entre Halloween et la fête des morts, se trouve escamotée par les morts. Mais les saints sont aussi des défunts. Alors ce sera trois jours de fête avec les morts. Ensuite une belle neuvaine démarre le 2 novembre et se termine le 11 novembre. Comme quoi le mois de novembre est un mois différent, un mois pour les esprits, un mois de migration pour les grands oiseaux et les prix les moins élevés en avion pour traverser l’Atlantique.
Le 11 novembre, autour des monuments aux morts, sur les places publiques et parfois dans les cimetières, les autorités constituées célèbrent le souvenir des disparus pour la Patrie.
Ces derniers sont les génies de nos institutions nationales, ils sont morts pour infléchir notre destin, notre destination, le destin de notre Nation.
La cérémonie du 11 novembre se perpétue malgré le temps qui a éclairci les rangs des anciens combattants de 14-18. Cette célébration est d'autant plus importante que nous fêtons aussi les morts de toutes les guerres.
L'hiver est proche avec sa morte saison, la date est magique, c'est neuf jours après le 2 novembre, la fin d’une neuvaine si fondamentale pour les âmes oubliées, sans prière le jour de leur enterrement.
Sans le savoir nous gagnons la protection de tous les génies des disparus en nous laissant épingler à la boutonnière un Bleuet de France. Ils nous sont acquis, même si nous les oublions dans un trop bon repas ou en nous promenant toute la journée sur les routes.
Les Africains ne font pas autrement pour les relevailles d'un mort, ils sont avec lui et ils dansent, rient et mangent. Le mort ne s'ennuie pas avec eux, ils font tout pour lui faire oublier son absence physique.
Finalement les saints et les morts étaient tous là le soir du 31 du Allô Oui parce qu'ils aiment trop faire la fête et que c'est la seule fête en France qui dure 12 jours. Les grandes fêtes votives n’existent plus dans notre cher pays.
Seul Haïti a conservé et entretenu dans notre grande Nation francophone les traditions populaires de l'Ancien Régime habité par les saints.
Le jour de la Toussaint, une manifestation équivalente à Halloween a lieu à Port au Prince pour annoncer qu’à minuit ce sera le 2 novembre la fête des morts. Il s'agit des « Guédé ». Dans la journée des personnages habillés de mauve, le visage talqué, sillonnent tous les quartiers comme des feux follets, sans un mot, sans s'arrêter pour personne. Ils annoncent la venue des Guédé.
Le soir, pour cette unique occasion, les péristyles (temples vaudous) seront ouverts à tout le monde. Ils sont illuminés et il y en a partout. Pourtant, il n'est pas sûr, que le jour suivant vous sachiez les retrouver, tant les quartiers sont inextricables.
A l'intérieur, des personnages muets et grimaçants, maquillés de blanc, déguisés de vestes noires et de vieux chapeaux vous serrent de près. Ils possèdent une collection de lunettes cassées, accrochées à leur ceinture qu'ils ne cessent de chausser et de raccrocher sous vos yeux. Ce sont les Guédé, les génies des morts, dont le chef est Baron Samedi.
Baron Samedi est le génie vengeur de la mort du Christ. Il est le Maître du cimetière et il est une force spirituelle extrêmement dangereuse de la magie noire.
Exceptionnellement ce soir là, on ne le craint pas, la foule danse avec ses adeptes de la manière la plus grotesque possible. A minuit tout le monde se presse autour du phallus pourpre de Papa Guédé : le Zozo. On lui chante des chansons paillardes, celles de nos chers carabins. Le phallus sombre et violet circule, il est magnifié, les femmes le caressent, le frottent sur leur corps, l'adorent et l'embrassent, les hommes chantent ses merveilles.

Le culte des saints et des morts
Le culte des saints, les béatifications et les canonisations passent obligatoirement par le culte des morts. On explique ainsi l'absence des prières aux morts chez les protestants, car ils savent que s'occuper des morts développe la foi dans les saints et dans des croyances païennes.
On peut soupçonner aussi l'église catholique française d'aujourd'hui de vouloir oublier délibérément les saints dont elle se croit trop encombrée. Elle le fait par esprit œcuménique avec le protestantisme et l'islam, et pour lutter contre les superstitions. Ce sont aussi les Lumières du 18° siècle tant dénoncées par l'Église parce qu'elles étaient la lumière de Lucifer qui triomphait. Finalement ces Lumières ont gagné la pensée des ecclésiastiques qui ont abandonné les processions des saints.  Ce n'est pas encore le cas de l'Espagne, ni de l'Italie où l'on est attaché aux processions et où Haloween n'a pas le même succès.
Il n'apparaît donc pas étonnant qu'Halloween se soit développé dans la jeunesse des sociétés essentiellement protestantes du nord de l'Europe, en manque du culte des morts et de sa symbolique. Les jeunes les réinventent dans leurs mouvements punks et gothiques, dans leurs tenues aux couleurs anthracites peintes d'ossements blancs et de têtes de morts, dans leurs expressions musicales "House, Métalica, Anthrax, Techno, Métal, Heavy et Glam Métal, Electro, Out Progressive, Hard Rock".
Si cela peut paraître une saine réaction, ils se complaisent dangereusement et à tout moment dans le morbide. Au lieu de s'exaspérer de fureur, de fumée, de bruits à la moindre occasion et sans finalement se rassasier, la jeunesse devrait se défouler à des dates précises et limitées, comme pour Halloween.
Fêtons Halloween le 31octobre et grâce aux fêtes des grands saints nous oublierons le reste de l'année le culte de Satan et des sorcières.
Il y a aussi une autre raison pour le succès de cette fête macabre. Nous savons que la sexualité de l'adolescent se construit avec la découverte de la conscience de la mort. La sexualité et la mort vont de pairs. Nous sommes habités par la pulsion de vie d’Eros et la pulsion de mort de Thanatos. Les limites des plaisirs érotiques pervers, sadomasochistes, les flagellations pour certains sont les frissons morbides de leur Thanatos. Les excès de boissons et de cigarettes sont des suicides. Gainsbourg est l'exemple le plus frappant de cette dérive. S'il est mort, son Guédé est bien vivant. Michael Jackson est un autre exemple de Guédé enchanteur.
Les Guédé en Haïti, ce n'est pas non plus la panacée. Ils ne sont pas désirés dans une cérémonie vaudou. Ils s'invitent tout seuls, leurs obscénités indisposent énormément les grands saints de la magie blanche (amour, fécondité, argent, énergies, technologies, santé, destin, il ne manque que le saint de l’éducation !) Les Guédé provoquent leur départ et ils écourtent la réunion.
C’est la faute au boiteux Papa Legba, Maître Barrière : le gardien du portail du monde de l'invisible.  Il a ouvert la porte du péristyle aux grands saints de l’abondance (fortune, amour, santé). La cérémonie est un succès, mais par la suite, il se laisse gagner par les farces des Guédé et il les introduit au grand dam de tout le monde.
Nos politiques français comme Philippe Seguin n'ont pas à être sidérés pour notre enthousiasme pour la fête d'Halloween d'origine celtique, irlandaise et américaine. Cette fête répond à un besoin universel, naturel et bien normal quand approche le mois de novembre et que nos parents fêtent le 1°, 2 et 11 novembre.


Le mouvement chrétien de nous faire oublier les saints ne date pas d'aujourd'hui. Avant-guerre on décria dans les milieux bien pensants catholiques le mauvais goût de l'imagerie religieuse saint sulpicienne de l'époque de la grande guerre 14-18. On réussit si bien à nous en détourner que les chromos des saints ont complètement disparu des librairies religieuses françaises. Les icônes byzantines ont pris leur place au nom de l'art et du bon goût ! (Lire le chapitre IX : l'énergie haïtienne)
L'église de Rome nous demande depuis quelques années d'abandonner Saint Christophe parce que son histoire de géant est trop païenne. Il en est de même de sainte Livrade ou Wilgeforte qui est une femme barbue crucifiée dans les pays flamands.
Pourtant le Christ est avec les plus petits, avec les pauvres en esprit. Il est avec le mouvement hippie "freak".
Autre exemple, l'église nous escamote le souvenir de Saint Jacques, elle demande à l'Espagne d'oublier son tempérament de matamore.
Heureusement, l'Italie, l'Espagne, le Portugal et surtout l'Amérique Latine usent et abusent à notre grande surprise des chromos des saints.
En 1970 les Latinos des Caraïbes abhorraient le rock et le hard. A Panama, le rock américain n'existait pas à la radio faute de public et malgré la proximité des États Unis. A côté de la salsa, le rock fait triste figure.
Dans le sud de la France, la tauromachie nous confronte aussi avec la mort et joue ce rôle d'éducation qui manque au pays du Nord.
En ce sens la féria de Nîmes est remarquable. La passion des aficionados pour accompagner le taureau dans sa souffrance jusqu'à sa mort, offre à une foule de non-aficionados une fête de musique généreuse et totalement gratuite. La foule de ces jours là boit beaucoup, mais reste décente, retenue : pas de Punk, pas de bousculade. La latinité l'emporte sur le rock pur et dur.
Devant le temple de Diane situé à proximité des sept sources dont Hercule a épousé la nymphe, il y a une bodega latino-américaine à l'enseigne " Del Toro Enamorado": du taureau amoureux.
On comprend que le taureau miraculé, échappé de l'arène, se réfugie là, près du temple des femmes libres de Diane, où la salsa donne du cœur à danser à tout le monde, même aux unijambistes.

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